samedi 28 mai 2011

LES ADOS ET LE SEXE SUR INTERNET

Un film de Ella Cerfontaine _ 42' _ France _ 2008

SYNOPSIS

De jeunes blasés du porno se confient, révélant un monde caché et dérangeant, entre hyper-sexualisation et déshumanisation.

Il y a cinq ans, l'extension en France de la connexion Internet haut débit a précipité un phénomène déjà répandu outre-Atlantique : les adolescents ont désormais accès à la pornographie, gratuitement et sans limites. Enquête.

On estime que 60 % des adolescents en Occident ont déjà vu des films X. Comment la violence des images influence-t-elle leur sexualité, leur vision d'eux-mêmes, leur rapport à autrui, notamment dans les relations entre garçons et filles ? Enquête

sur la jeune "génération porno", des consommateurs aux Européennes de l'Est happées par une industrie en pleine expansion.

À l'âge de 11 ans, deux enfants sur trois auraient déjà vu un film X. À travers les portraits d'une demi-douzaine de jeunes témoins qui, à visage caché, ont accepté de décrire leur vie sexuelle, la réalisatrice tente de comprendre la manière dont cet usage banalisé de la pornographie, qui bat en brèche toutes les protections légales et familiales, influe sur les comportements et les relations. Gang bang, urophilie, partouzes... Ils sont passés avec une apparente facilité de la fréquentation de sites X à la pratique. L'un s'affirme dépendant à la pornographie, l'autre se targue d'avoir expérimenté dès 14 ans les plaisirs exhibés sur écran. Mais derrière le cynisme, la vantardise ou le détachement affichés percent aussi parfois le dégoût ou le désarroi. Ces confidences révèlent-elles une simple rupture générationnelle, ou trahissent-elles la déshérence d'enfants moralement abandonnés à eux-mêmes ?

FILM

OÙ TROUVER LE FILM ?

Doc En Stock 79 rue du Temple 75003 Paris France

Tel : +3314454258 Fax : +33142741821

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mercredi 25 mai 2011

LE RETOUR AU PAYS

Un film de Carine Parola _ 9'27''_Vidéo HD couleur.

SYNOPSIS
Tel un « retour au pays », les trois protagonistes du film retrouvent leur véritable identité, celle qui a toujours été la leur malgré le conditionnement et le regard des autres. Une réflexion sur son rapport à soi et son rapport aux autres menée au travers de la question des transidentités…

Carine Parola, née en 1982, vit et travaille à Paris/Genève. Elle est photographe. Site et contact : http://www.carineparola.fr/

FILM

jeudi 5 mai 2011

L'obscène

Par Claire Frédéric du CESEP

Centre Socialiste d'Éducation Permanente
rue de Charleroi, 47
1400 Nivelles
tel : 067/21.94.68

Site : http://www.cesep.be/
Dossier disponible : ICI


DE L'IDÉE À LA DÉFINITION, QUE NOUS DISENT LES DICTIONNAIRES ?


Obscène : Qui blesse la délicatesse par des représentations ou des manifestations grossières de la sexualité.
Licencieux, pornographique, graveleux (Dictionnaire Le Petit Robert).
L'obscénité : L'obscénité est une notion de morale qui a varié considérablement au cours de l'histoire. L'obscénité blesse ouvertement la pudeur par des représentations d'ordre sexuel (Wikipédia).


LE CARACTÈRE OBSCÈNE EST SEULEMENT D'ORDRE SEXUEL ?


Obscène, dans le dictionnaire historique de la langue française est un adjectif qui signifie " de mauvaise augure, sinistre (d'oiseaux, de présages) passé dans le langage courant au sens de qui a un aspect affreux, que l'on doit cacher ou éviter d'où " sale, immonde " et " indécent ". L'étymologie du mot est inconnue (...). Le mot a été repris avec son sens moderne " qui révolte la pudeur, indécent " en parlant d'une chose, d'un spectacle et d'une personne ". Cette plongée dans l'histoire du mot ouvre le champ des définitions.
C'est alors, que parcourant un texte de Claude Gilbert1, le mot obscène prend radicalement une autre dimension ne laissant ni la formation ni le travail socioculturel indemnes.



QUE NOUS DIT CLAUDE GILBERT ?


" L'impression d'obscénité vient souvent d'une révélation brutale, crue et confondante par son absence de sens "(...). L'obscénité vient de l'échec momentané de l'apprentissage culturel, de la suspension de l'incessant travail d'intégration. Elle est l'effet produit par la soudaine présentation " d'objets qui laissent sans voix ".
De là, l'obligation pour les êtres participant à la sphère civile (les formateurs ? les travailleurs socioculturels ? ... ndr) de mettre en oeuvre les règles de l'échange et de la confrontation, de rétablir donc continuellement des " marchés " dans des domaines aussi différents que ceux de l'amour, de la politique, de la pensée,...
Ce travail incessant qui aboutit à l'indication de la valeur et du sens fait aussi oublier l'obscène sans le faire disparaître. "
" Si, dans son usage classique, l'obscène laisse sans voix, il est aussi incitation vigoureuse à la reprise d'une parole sociale qui, dans ses pleins et déliés, réalise finalement un certain traitement, une certaine identification de ce qui est dans un premier temps innommable ".


UNE QUESTION ÉTHIQUE POUR LES FORMATEURS ?


" C'est violent. D'entrée de jeu, vous nous demandez d'exposer une situation professionnelle et de mettre à jour nos pratiques. J'en ai assez de me dévoiler sans cesse ".
Reprenons cette situation qui sous des apparences anodines venait probablement mettre en lumière un quelque chose d'agaçant, de désagréable, d'insupportable pour la participante et d'embarrassant, d'encombrant, d'importun pour les formatrices que nous étions.
Que s'est-il passé ? Qu'avions-nous fait si ce n'est de vouloir la forcer à dévoiler son intimité professionnelle ?
Cette conclusion m'a amenée à faire un détour par la question du dévoilement de l'intimité dans le champ de la formation. Quels sont les aspects juridiques, déontologiques voire les questions éthiques que cela pose2. Cette analyse a permis de donner des premiers repères aux formateurs, qui, en l'absence de code de déontologie de la formation louvoient entre éthique et esthétique.

Prendre des situations concrètes vécues est une étape méthodologique de certains dispositifs de formation. Ces dispositifs sont construits sur l'hypothèse qu'une situation concrète insatisfaisante, analysée par la/le participant(e) et par le groupe en formation est source de construction, d'appropriation et de transfert d'un savoir sans mesurer parfois, et ici en l'occurrence, la brutalité de telles pratiques, " deuxième situation à risque pour le formé nous a dit Paul Dupoey3.

" Cette deuxième situation à risque pour le formé, " c'est lorsqu'il se trouve, effectivement, en face de formateurs qui veulent intervenir sur sa personne. On ne peut que s'interroger sur le droit naturel que s'attribuent les formateurs et toute une série d'autres acteurs à intervenir ou à faire intervenir sur la personne de façon plus ou moins radicale. Il y a là en tout état de cause, un problème de légitimité. Le moins grave, c'est quand il ne s'agit, par exemple, que des comportements à la vente. Le plus grave, c'est lorsqu'il s'agit de comportements relationnels beaucoup plus intimes, et bien sûr, de la relation à soi-même “.

" Confier ou se confier, c'est livrer, livrer à l'autre, inconnu au départ, une partie de soi, parfois une partie très intime de soi; c'est mettre une partie à la merci de l'autre, c'est peut-être aussi et déjà mettre l'autre dans une position de pouvoir. Celui à qui on s'est confié maintenant sait, que va-t-il en faire ? " nous a dit Jean-François Servais4.

A l'issue de cet article, j'avais provisoirement conclu par la nécessité pour le formateur de venir questionner son rapport au pouvoir et de l'hypothèse d'un désir d'emprise au coeur de toute relation pédagogique posée par Patricia Vallet5.

Nous avons eu envie de revenir à cette situation et plus largement à toutes ces pratiques professionnelles vécues comme violentes, intolérables, insupportables par ceux et celles qui les subissent.
A quoi touche-t-on ? Est-ce seulement une question de pouvoir et d'emprise ? Au-delà de l'indélicatesse, serait-ce inconvenant ? indécent ? Oserait-on parler là aussi de pratiques obscènes ?
Qu'est-ce qui est obscène et qu'est-ce qui ne l'est pas ?
Est-ce seulement une question de morale ou d'éthique ?


AILLEURS DANS LA SOCIÉTÉ ?


L'obscène, c'est ce qui relève du sexe. C'est le porno. C'est souvent la première image, la première représentation voire la première dé-finition que nous en avons.
Nous apprenons que ce n'est donc pas que le porno. Mais alors, où et comment cela se passe-t-il ailleurs dans la société ?
Dans les médias ? Dans les familles ? Sur les marchés financiers ? A partir de quand les pratiques sont-elles décentes/indécentes, avouables/inavouables, montrables/non-montrables ?
Un agonisant filmé en direct est montrable sous prétexte que " les faits vrais sont estimés plus vrais que tous les discours qui les recouvrent "?
Le cynisme de certaines pratiques publicitaires est indécent ? Les offusqués sont pourtant souvent rappelés à utiliser leur capacité de discernement, leur faculté de jugement, l'exercice de leur esprit critique et de souligner que l'humour, la dérision et même parfois le cynisme sont des outils d'interpellation percutants.

Avant même de parler d'éthique ou de morale, de ce qui se ferait ou non ailleurs dans la société Guillemo Kozlowski6 nous a invités à explorer la fabrication de l'obscène aujourd'hui comme première étape dans cette réflexion.

Claire Frédéric - CESEP

Comment fabrique-t-on l'obscène ? Point de vue de Christophe REYNERS

Par Guillermo KOZLOWSKI du CESEP

Centre Socialiste d'Éducation Permanente
rue de Charleroi, 47
1400 Nivelles

tel : 067/21.94.68

Site : http://www.cesep.be/

Dossier disponible : ICI

Pour répondre la question posée par Claire Frédéric : " Quand les pratiques du formateur, du travailleur social, de l'animateur socioculturel sont-elles ou deviennent-elles obscènes ? ", nous ferons un détour avant d'y répondre.
Dans ses propos, il y a une interrogation récurrente sur la pornographie. Ce sera donc notre point de départ, non pour savoir si les films pornos sont obscènes, s'ils sont mauvais ou pas mais plutôt comment les fabrique-t-on ?. Il s'agira du sujet central de l'entretien avec CHRISTOPHE REYNER. Ce sujet sera aussi abordé lors du deuxième entretien avec GUILLAUME ISTACE d'un point de vue plus historique, sur l'évolution du porno. L'entretien avec MIGUEL BENASAYAG aborde le travail social. Il amorce le retour vers des terres plus familières. Nous espérons que ce retour sera riche d'une nouvelle problématique qui émerge des deux autres entretiens. Celle de la transparence, de la volonté de tout montrer, des moyens qu'on met en oeuvre pour la réaliser, ses stratégies, et ses évolutions dans l'exemple de la pornographie.


ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE REYNERS :

Christophe Reyners a fait des études en réalisation à l'INSAS. Réalisateur aujourd'hui, il travaille depuis 15 ans à la RTBF, notamment à l'émission l'Hebdo pendant 10 ans et à Actuel durant 2 ans et depuis 3 ans à C'est la vie. Parallèlement, il réalise des films documentaires. Pour la RTBF, il a notamment réalisé Le Pornographe, un documentaire qui suit la réalisation d'un film X.

GK : Comment t'est venue l'idée du Pornographe ?

CR : Je me suis dit que le film serait intéressant si on pouvait suivre du début de la fabrication d'un film jusqu'à la fin. Le casting, le tournage, puis l'après. J'ai rencontré Michel, un réalisateur professionnel, ce qui est rare en Belgique. Il y a beaucoup de gars qui filment leurs copines mais
peu qui vivent de ça. J'ai sympathisé avec Michel. On a été ensemble au Salon de l'érotisme, on y a rencontré quelques acteurs et j'ai tout de suite vu qu'il était possible de tourner. Il fallait que Michel soit intéressant, mais aussi que les acteurs soient d'accord de tourner dans le film. C'est pour ça que j'ai choisi Michel et on a tourné sur la longueur. ( le tournage a pris 1 an)
Le portrait de Michel va être le fil conducteur pour raconter toute l'histoire du début de la fabrication du film jusqu'à la fin. Et ce à travers Michel. J'allais donc forcément être tributaire de ce que, lui, allait faire. La manière dont il allait filmer, la manière dont il allait
tourner et où il allait tourner...

GK : Bien, je te propose d'utiliser nous aussi l'ordre chronologique du tournage de Michel. Par quoi commence-t-il ?

CR : Il existe un cahier des charges pour chaque film : il doit tourner souvent 5 ou 6 scènes pour un film d'une heure/ une heure et demie. Tout dépend du timing. Donc, à ce moment-là, on lui
dit : " tu as telle somme pour faire ce film ".

GK : J'aimerais passer maintenant au casting.

CR : S'il veut gagner de l'argent en tant que réalisateur/producteur, il doit faire travailler les gens pour le moins cher possible. Donc, il fait appel à des amateurs. Des amateurs qui en
général, ont comme fantasme de tourner un film. Parmi ces amateurs, certains veulent tourner une fois. D'autres sont plus réguliers. Il les paye. Pour ainsi dire, il les défraye un peu. Certains ne sont même pas payés. Par exemple, les hommes ne sont pas payés. C'est
ça qui m'a intéressé. De plus, et c'est intéressant aussi, pour le casting, à la grande différence
d'un film traditionnel, on ne fait pas appel à la photogénie - bien que Michel tire quelques photos. C'est surtout la liste de ce qu'ils acceptent ou refusent qui importe. Le vrai casting c'est :
Acceptent-ils la fellation, la double pénétration, " l'anale ", etc. Il va mettre la personne sur tel ou tel film en fonction de ces dispositions.

GK : L'image commune veut qu'il choisisse des actrices" parce qu'elles ont des gros seins ". Mais, ce n'est pas du tout ça qui se passe...

CR : Non. Même si certaines tournent régulièrement, il est surtout important de montrer des filles différentes d'un film à l'autre. Les filles doivent aussi être de gabarits différents. Donc, il
ne se focalisera pas sur " des blondes à gros seins ". Il y a aussi un certain rapport qualité/prix: elles doivent être pas trop mal et pas trop chères. De plus, elles doivent être disposées à faire des trucs particuliers, parce que ce qu'il faut savoir c'est, qu'aujourd'hui ce qui marche c'est les films spécialisés. Çà, ça se vend! De simples films pornos, il y en a plein sur Internet mais on y trouve moins de films spécialisés, par exemple en SM très particulier, ou avec des femmes enceintes, " l'uro "... Michel était payé par des boîtes allemandes qui voulaient ce type de films. Donc, les gens deviennent intéressants dès qu'ils acceptent ces scènes. Bien plus que le physique, c'est l'acte qu'ils acceptent de pratiquer qui compte.

GK : Et au niveau du tournage ?

CR : C'est très plat. La lumière est à fond et il faut aller vite parce qu'ils tournent plusieurs scènes dans la journée. Les comédiens ne se sont peut-être jamais vus auparavant. Michel dit : " toi, tu vas tourner une scène maintenant avec cette fille. La table est là, tu la prends comme ça, puis tu la prends par derrière, etc.. etc.. " Dès qu'il y a une éjaculation, il faut que ce soit dans la bouche donc là, il faut qu'elle ouvre la bouche. Voilà on y va... Et hop, ils se déshabillent et ils y vont directement. C'est très étonnant, d'habitude c'est dans l'intimité, lentement et avec quelqu'un que tu connais depuis longtemps. Là, c'est ultra rapide, ils sont dans l'action directement avec quelqu'un qu'ils ne connaissent pas forcément. Forcément, il y en a qui s'aident un peu pour avoir des érections, le plus compliqué c'est que l'acteur ait une érection.

GK : Revenons un peu sur cette histoire de lumière, pourquoi toujours à fond ?

CR : Parce qu'il faut qu'on voie et qu'on voie bien les choses. De plus, le chef opérateur n'est pas bon, il a plus facile à mettre " plein pot " plutôt qu'à jouer avec les ombres. Ils doivent
faire en sorte qu'on voie les choses. Qu'on voie bien les membres et en même temps, ils doivent éclairer. Si tu commences à jouer avec des ombres, tu risques de louper tout. Si tu mets " plein pot ", c'est plus facile.

GK : Ça a un côté salle d'opération...

CR : Voilà. Ensuite, ils rentabilisent en gagnant du temps. Michel rentabilisait en tournant dans la maison 3 jours; il tournait dans toutes les pièces pour avoir un décor différent. Et il faisait 3
films sur 3 jours. Un film par jour. Donc, il faut que ça aille vite. Si tu commences à jouer avec la lumière, éclairer, etc. Voilà...

GK : Et les décors ?

CR : Il doit essayer d'avoir des décors différents à chaque fois. Il y a quelque temps, ils tournaient dans un château qu'ils louaient. Maintenant, ils tournent dans une maison de vacances, dans des gites. Donc, il fera une scène dans la salle de bains, une scène dans la cuisine, une scène dans un coin du salon, une autre dans un autre coin... Il va exploiter au maximum les moindres recoins de ce petit décor... qui n'est pas un décor extraordinaire.

GK : Il aura des plans très serrés ?

CR : Non, pas forcément, mais de toute façon, ça devient serré quand même, parce que tu t'intéresses à des éléments proches. Si tu cadres un coin où il n'y a pas de références, tu peux avoir des ambiances différentes.

GK : Les cadrages, le point de vue ?

CR : Il ne se pose pas la question du point de vue, je pense... Parce qu'il essaye d'être assez proche pour qu'on sente bien, pour qu'on voie bien les sensations. Il existe par contre des films, appelés POV (point of view) où l'acteur est aussi cameraman. Il se filme lui-même en train d'avoir une relation sexuelle. Et la fille regarde la caméra tout le temps. Le spectateur se trouve à la place de l'acteur. Sinon les films pornos n'ont pas de réel souci de point de vue d'analyse, etc.. C'est de la rentabilité ; un plan large suit un plan serré, un peu de visage et beaucoup d'organes.

GK : Le montage ?

CR : C'est très classique. Très basique. Un plan large/un plan serré. En fait... La principale préoccupation du tournage est que l'acteur bande. C'est l'angoisse totale. Tout doit s'arrêter s'il ne bande pas. Ils doivent tout arrêter. Le reste, on peut toujours s'arranger, mais s'ils
ne bandent pas : ça se voit.

GK : Le porno a une réputation de genre sulfureux. Mais quand on regarde ton film, ce n'est pas du tout ça...

CR : Non, non. C'est le montage, la musique qui fait ça. Dans ce tournage, on avait plutôt une bande de copains, c'était plutôt sympa. Très plat, il n'y avait pas beaucoup de poésie.Le fantasme,
pour eux, c'est surtout de voir le film, d'être filmés. Le fantasme c'est pas du tout la femme, qu'ils sont en train de sauter ou le mec qui... C'est pas du tout ça qui les fait fantasmer. Ce qui
les fait fantasmer, c'est la caméra, c'est de voir la caméra et surtout d'imaginer le nombre de gens qui vont voir le film. Le reste, non! La maison dans laquelle ils sont, non. La lumière non. La partenaire, ils s'en foutent. A priori, c'est ce que j'ai vu.

GK : Il y a une sorte de fierté d'être vu, dans ton reportage, il n'y a aucun comédien qui dit y être pour le sexe ou pour l'argent.

CR : Ils ne touchent quasiment pas d'argent. Le sexe, c'est pas terrible pour eux parce que c'est plein de lumières, ils doivent le faire rapidement, industriellement... Non, c'est vraiment
l'idée d'être dans un film, d'être vu. Mais ce n'est que leur expérience, d'après ce tournage-ci.

GK : Ils parlent d'une évolution du porno...

CR : Le porno devient de plus en plus " hard ". Est-ce-que ça correspond à une sexualité plus " hard " chez les gens ? Je ne sais pas. Peut-être pas. Par contre, pour vendre un film, il faut qu'il
soit très dur car les histoires simples, il y en a déjà beaucoup et elle sont très faciles à trouver. Il faut donc être très spécialisé.

GK : Très " hard " et très spécialisé...

CR : Voilà.

GK : Pour finir. Toi, tu as fait un film sur le porno. Quels ont été tes choix de réalisateur? Quels choix ont guidé ta réalisation ?

CR : Moi, ce qui m'intéresse, sur le porno ou sur autre chose, c'est d'être proche des gens, d'essayer de les découvrir. Au niveau du porno, on a filmé classiquement tout le début du film,
les casting etc... Sur le tournage du film lui-même, comme on avait une bonne complicité avec tout le monde, on a pu être proche. La caméra de la RTBF était quasi tout le temps à côté de celle du réalisateur, ce qui permettait d'être au coeur de l'action mais aussi de suivre Michel et pouvoir interroger les gens tout de suite. Ils finissent une scène: " Qu'est-ce qu'ils ressentent ". Ils vont commencer une scène: " Comment ça va se passer? ". Tout le temps. Tout le temps.
En même temps, il y avait un challenge. Le cameraman (il est très bon) était obligé de faire ressentir les choses en étant tout près et tout en montrant le moins possible. Donc, le son était très important, le son off dit tout. On a filmé classiquement, sauf, qu'on ne voulait pas montrer trop de nudité et surtout pas de pénétrations.

Propos recueillis par

Guillermo KOZLOWSKI



Revue du presse du "Pornographe" :
- La Libre Belgique
- Le Soir
- TéléMoustique

Comment fabrique-t-on l'obscène ? Point de vue de Guillaume ISTACE

Par Guillermo KOZLOWSKI du CESEP

Centre Socialiste d'Éducation Permanente
rue de Charleroi, 47
1400 Nivelles

tel : 067/21.94.68

Site : http://www.cesep.be/

Dossier disponible : ICI

ENTRETIEN AVEC GUILLAUME ISTACE :

Guillaume Istace, réalisateur et metteur en scène a également réalisé un documentaire radio " On n'est pas des animaux " à écouter ICI.

GK : Peux-tu nous raconter ce qui t'a amené à réaliser ce documentaire ?

GI : D'abord pour des raisons intimes. Mon envie est venue d'un questionnement sur ma consommation de pornographie. J'ai beaucoup regardé du porno... J'ai eu une relation amoureuse très tard, vers 23 ans. Avant ça, j'ai beaucoup regardé du porno. J'ai constaté simplement que cela avait eu un impact sur moi. Qu'il fallait passer d'une sexualité masturbatoire à une sexualité à deux. Et il m'a fallu un temps d'apprentissage pour passer de l'un à l'autre.

GK : Une fois sur le plateau du film, qu'est-ce qui t'a étonné, commençons par la technique ?

GI : C'est très basique. Je ne m'y connais pas tellement en caméra et en lumière, mais l'impression que j'avais c'est : on va faire comme si c'était un vrai film. Il y avait un perchman, il y avait un cadreur, quelqu'un qui s'occupait des éclairages, un régisseur général. Il y avait toute une équipe et ils se la jouaient. C'est d'ailleurs ce que disait le réalisateur : " je ne suis pas un cinéaste. Si je faisais des films traditionnels, je ferais des films de merde, et là, je peux m'éclater et faire comme si j'étais un réalisateur ".

GK : Et dans ton domaine, c'est-à-dire le son, qu'est-ce qui les intéressait ?

GI : Ils s'intéressent aux cris, aux gémissements... Le son n'est pas pensé. Ils essayent de reproduire tout ce qui se trouve dans les films pornos. Ils ne remettent en question aucune évidence. Pour eux tout est évident. Donc, la question de la sonorisation du film porno n'est pas posée. Je n'ai pas vu de trucs particuliers. Mais moi, à un moment donné, je n'en pouvais plus d'entendre les filles jouir toute la journée, ça me cassait les oreilles, elles hurlaient. La fille doit sonoriser au maximum. Par exemple, quand elle fait une pipe, elle doit faire " mmmmahmmmmmm " en permanence, puis des bruits de bouche. On sent que là aussi, elle en rajoute, puis elle crache sur la bite. Au niveau du son, il faut figurer au maximum l'acte sexuel par tous les moyens possibles. Alors que tout est montré de manière très explicite par l'image, ils ont encore besoin d'en rajouter par le son.

GK : Dans ton documentaire, quelqu'un dit que le scénario disparaît de plus en plus. On ne raconte plus d'histoire.

GI : C'est une évolution qui commence avec l'arrivée du caméscope. Avant, les films étaient tournés sur pellicule et ils coûtaient forcément beaucoup plus cher. Donc, comme ça coûtait cher, on mettait les moyens. Y compris au niveau du scénario. Il ne faut pas non plus les idéaliser car à l'époque, on ne produisait pas de chefs-d'oeuvre. Les histoires relevaient plutôt de la série Z! Auparavant, on se souciait également de l'éclairage, ce qui est aujourd'hui très rare. Il y a le souci d'un éclairage léché, parce qu'il amènerait l'esthétique dans l'érotisme et la pornographie. Aujourd'hui, avec l'arrivée du caméscope, les tournages types amateurs se sont développés. Des tournages faits rapidement et qui se sont généralisés. Maintenant les webcams ou le digital coûtent encore moins cher! Ils se sont donc rués dessus.

GK : C'est vrai que le porno est un peu à la mode et qu'on a tendance à y voir beaucoup trop de choses. Mais, sans aller dans le sens de l'artistique, peut-être simplement pour être excitants, les films semblaient avoir besoin de raconter une histoire.

GI : Je crois que la pornographie s'est de plus en plus définie comme un objet de consommation immédiate. Aujourd'hui, si tu cherches de la pornographie sur Internet, tu peux chercher par genres et jusqu'à des genres très spécialisés. Les mecs qui aiment bien juste les pieds, d'autres qui aiment bien juste les éjaculations sur les visages, d'autres qui aiment le sado-maso etc ... En tout cas, la consommation se fait comme ça, en fonction de genres que tu aimes bien. Cette façon de faire n'existait pas avant. Peut-être que la grande différence est que les films pornos avaient un souci de travailler sur le fantasme. Sur une heure et demie de film, il y avait un pourcentage de situations pour exciter les spectateurs et donc travailler sur quelque chose de plus imaginatif, de jouer sur les fantasmes. Maintenant sur Internet, tu trouves non pas une représentation, mais directement le geste qui doit t'exciter. Il y a une sorte de sexualité mono maniaque. Ce rapport à la sexualité ne me paraît pas juste.

GK : Cette spécialisation est assez particulière aux films pornos.

GI : Oui. Parce que dans les films d'action, même ceux de Jean-Claude Van Damme, il y a un scénario, il y a une histoire, il y a une projection du spectateur. Or, la projection du spectateur ne se réalise pas si l'on ne s'identifie pas au personnage. Même dans les films d'horreur, dont je suis un grand fan, l'intérêt réside dans le scénario, le " comment tu arrives à toucher la peur ". Tout ce que tu mets en place pour créer quelque chose de terrifiant, et ça, ça demande de l'imagination. Dans le cas de la pornographie, ça va aussi vite que la masturbation. Je vais sur internet, je me masturbe et c'est fini. Ça doit être là, tout de suite.

GK : Quelque chose m'a frappé dans ton documentaire : parler de pornographie, c'est très bien et ça se fait partout. Les " Inrokuptibles " , " Marie-Claire " ou certainement aussi " Madame Figaro " rédigent et re-rédigent des articles sur la question. Cependant, dès qu'on touche, qu'on aborde le corps, dès qu'il s'agit par exemple de masturbation, c'est une tout autre chose. Or, il évident qu'un spectateur regarde des films pornos, en général, pour se masturber ou pour s'exciter avec sa copine, etc..., Mais, dès qu'il y a incarnation, c'est beaucoup plus problématique.

GI : C'est une des raisons pour laquelle j'ai réalisé ce documentaire. Dans notre société hyper-sexualisée, où il y a des images de cul tout le temps, où tu vois des actrices pornos en prime-time, la sexualité reste tabou. Tu vois des scènes de cul dans tous les magazines, dans tous les films, etc... En plus de ça, on n'arrête pas de vanter les mérites d'une sexualité soi-disant libre : partouzez, utilisez des godemichés, etc. Or, parler tout simplement de " comment je vis ma sexualité au jour le jour ", parler de ce qui se passe bien et de ce qui se passe mal, c'est quelque chose qu'on ne partage pas. On est dans un truc où de toute façon, ça se passe bien. Et, " c'est la honte " si ça se passe mal. A mon avis, cette surexposition médiatique doit renforcer le côté honteux. Un gars qui n'arrive pas à bander doit souffrir d'autant plus qu'on lui renvoie l'image que tout le monde bande comme un taureau. En tout cas, il y a quelque chose à faire au niveau de l'éducation sexuelle, il faut l'accompagner d'une manière ou d'une autre.

GK : Tu as fait un documentaire radiophonique sur le cinéma. Qu'est-ce qu'on gagne à enlever les images ?

GI : On ne voit pas les personnes interviewées. J'aime bien ce rapport. Les gens qui ont vu le documentaire ont chacun une vision qui leur appartient des personnages. Ne pas les voir ouvre le champ. Prenons " Tony Carrera ", un des acteurs que j'ai interviewé. J'avais un à priori très négatif sur lui. Il dégage quelque chose... Il se balade en Porche.. Bref, c'est vraiment un " beauf ". Pourtant, durant l'entretien, je l'ai trouvé assez touchant. Il m'a parlé cash, vraiment parlé. Et quand j'écoute son interview, c'est ce que j'entends. Si je l'avais filmé, son image aurait peut-être parasité cette rencontre et aurait installé une distance. Mireille Darc a réalisé un documentaire sur la pornographie, sur les acteurs et actrices pornos. Je trouve qu'elle tombe dans tous les travers. En plus, et c'est drôle, nous avons rencontré les mêmes personnes. Son documentaire n'est pas mauvais, mais elle tombe dans plein de travers. Par exemple, elle interviewe une actrice porno nue dans son bain... Donc, elle utilise l'imaginaire, ou l'imagerie du porno pour nourrir son documentaire. C'est une erreur. Surtout dans la mesure où sa démarche était d'aller à la rencontre de l'humain... Je trouve que ça empêche la rencontre. Par contre, je trouve que la radio permet la rencontre.

GK : Les images des films pornos sont à mon avis très saturées, au niveau de l'éclairage mais aussi au niveau du sens. J'entends par là qu'elles montrent assez pour saturer notre imagination, mais en même temps, elles ne s'attachent pas vraiment à montrer un corps particulier.

GI : Le Porno présente des corps standardisés. Il y a quelque chose de cérébral, de très abstrait. En effet, un vagin, une bite, une bouche, c'est très anonyme. Moi, en tant que consommateur, c'est quelque chose qui me dérange. J'aime bien les plans larges, je trouve ça plus beau.

GK : On peut dire que c'est un découpage médical du corps. Ce n'est pas du désir. On ne peut pas dire que le désir se passe exactement là. Il y a un côté idéal.

GI : Je crois que la particularité de la pornographie est de rendre la sexualité très idéale. C'est des productions du cerveau, une image, un type d'homme, un type de femme. Il y a une sorte de construction mentale qui cadre complètement quelque chose qui, pourtant à la base, est instinctif.


Propos recueillis par

Guillermo KOZLOWSKI - CESEP



Comment fabrique-t-on l'obscène ? Point de vue de Miguel BENASAYAG

Par Guillermo KOZLOWSKI du CESEP

Centre Socialiste d'Éducation Permanente
rue de Charleroi, 47
1400 Nivelles
tel : 067/21.94.68

Site : http://www.cesep.be/
Dossier disponible : ICI

ENTRETIEN AVEC MIGUEL BENASAYAG :

Miguel Benasayag est philosophe et psychanalyste. Il a écrit de nombreux ouvrages dont Les passions tristes : souffrance psychique et crise sociale, La fragilité , Le mythe de l'individu, le tout aux éditions La découverte mais aussi La santé à tout prix : médecine et bio pouvoir aux éditions Bayard.Vous pourrez également lire toute une série d'articles sur le site du collectif Malgré tout, dont il est un de fondateurs. (www.malgretout.org)

La psychanalyse et la psychiatrie jouent un rôle complexe dans cette volonté de transparence. Tout d'abord le geste de Freud est de dire : les hommes ne sont pas transparents, ils n'agissent pas seulement d'après leurs intérêts, mais aussi d'après tout un tas de déterminations dont ils ne sont pas conscients. Toutefois, la psychanalyse et la psychiatrie ont également popularisé l'idée qu'il ne fallait rien garder pour soi, qu'il fallait tout dire, qu'il y avait une sorte de moi caché à faire sortir de l'ombre. Psychanalyse et psychiatrie ont mis en place maints procédés pour rendre les individus transparents.

GK : Pourrais-tu commencer par l'historique du rapport entre psychanalyse et transparence ?

MB : Le rapport entre la psychanalyse et la visibilité accompagne tout le siècle dernier. Et c'est encore le cas : le rapport entre notre culture et la visibilité est permanent. En effet, d'un point de vue anthropologique, la séparation entre le visible et l'invisible - ce qu'on peut voir, ce qu'on ne peut pas voir - a toujours été fondateur de la culture. Les mythes, dans le sens de Levy-Strauss, n'est pas quelque chose d'imaginaire. Un mythe pour Levy-Strauss, c'est quelque chose qui décrit, qui explique, qui justifie une société. C'est quelque chose d'objectif ou de matériel. Dans toute culture, ce socle-là, le mythe qui la fonde, va distribuer autour de lui ce qu'on peut voir ou ne pas voir, ce qui doit ou ne doit pas être vu, ce qu'on peut ou ne peut pas montrer. Notre 20e siècle fut celui de la virtualisation du réel, fut celui de l'avancée de ce qu'on appelle le panoptique, c'est-à-dire l'émergence de la société du contrôle, d'une société où il faut tout montrer. Plus encore : être vu et être transparent devient désirable. C'est une société dans laquelle on " profile " les gens par rapport à leur profil d'achat, profil de voyage, désir, plaisir, etc. C'est la société où les gens vont se faire voir dans Loft Story ou d'autres " merdouilles " du genre. Or, la participation à ces émissions est un fait assez étonnant. En effet, il s'agit d'expériences de psychologie expérimentale très, très dures. Elles sont extraites directement de l'univers carcéral, de l'univers de contrôle.

GK : Dans cet univers, la psychanalyse a essayé de... résister.

MB : Il n'y avait pas, à proprement parler, de volonté de résistance, mais disons qu'il y a eu une résistance à l'avancée du moi panoptique, du moi transparent (celui de L'homme sans qualité de Robert Musil). Avec Freud, la psychanalyse dit que l'homme n'est pas mû par un moteur utilitariste ou un moteur hédoniste lisible. Freud va parler d'autres moteurs tels que la pulsion de mort, la répétition, etc. Cette position fera apparaître deux courants. L'un essaie de penser avec l'idée de l'angle mort. On trouve le même courant dans le champ de la logique : la logique de l'incertitude. Dans la logique de l'incertitude, il y a une inconnue. Toutefois, cette inconnue n'est pas de l'ignorance. On considère qu'il y a quelque chose qui n'est pas visible. De plus, ce n'est pas parce qu'il y a un interdit, c'est parce qu'il y a du non-visible. L'autre courant de la psychanalyse, majoritaire celui-là, a inventé un inconscient sac-poubelle dans lequel il y a : " on voulait coucher avec sa maman et tuer son papa et qu'on aime la cousine telle... " Toutes ces explications familialistes qui agissent au coeur de cette sorte de bêtise interprétationnelle. On interprète tout : " je me gratte la tête ", et on lui répondra " c'est parce que votre tante Edwige... " Cette analyse interprétationnelle ne défend pas un certain angle mort d'obscurité. Au contraire : elle crée un certain type de visibilité, mais une visibilité que seuls les spécialistes peuvent voir. On vit dans un moment historique où un cycle a abouti : l'instauration de la société de contrôle, de la transparence. Et dans cette société, obscénité pornographie, caché, etc. ont connu des déplacements radicaux. Tout est visible, il faut tout montrer, tout voir... Et c'est accessible à tout le monde.

GK : Quelle est cette pratique analytique qui ne vise pas à rendre transparent ? Qu'est-ce qui constitue cette ombre en sachant que la question n'est pas d'établir un devoir moral de voir ou ne pas voir telle ou telle chose ?

MB : Dans la clinique, comme tu le dis, la question n'est pas de mettre des interdits abusifs, d'autorité ou ce qu'on appellerait des surcodages. Dans la clinique, tout le travail consiste à permettre à tes patients de comprendre qu'une grande partie, une très grande partie de leurs désirs, leurs actes, leurs gestes, leurs phobies, proviennent d'une source qui n'est pas endogène. En d'autres mots, on leur demande: pourquoi je désire telle chose ? Pourquoi j'ai peur de telle chose ? Contrairement à ce que la psychanalyse interprétationnelle prétend, il faut se rendre compte que dans une bonne partie de ce qu'ils font, les êtres humains fonctionnent comme des marionnettes. C'est un peu ce que Leibnitz écrivait dans " La Monadologie "quand il disait : " Je peux parfois obtenir ce que je désire, mais je ne peux jamais désirer ce que je désire ". Très peu de collègues travaillent dans ce sens. Au contraire, ils diront : " Attention ! Vous croyez désirer ça. Mais derrière, il y a autre chose ". Ainsi, ils vont chercher une autre instance : l'inconscient qui est individuel. La psychanalyse alternative ou la psychiatrie alternative se pose en décalage: nous ne pensons pas que la conscience possède une sorte de sac à dos qui s'appelle inconscient. Un inconscient où on pourrait trouver la vraie motivation individuelle. Au contraire, nous pensons que les motivations, les craintes, les désirs et la puissance même des gens proviennent de la longue durée, des histoires très complexes qui débordent largement des histoires familiales.

GK : Donc, la question n'est pas de rendre transparent, de contrôler Ernest, mais de le penser en situation ?

MB : Il ne s'agit pas de respecter une obscurité chez Ernest. Considérons plutôt qu'ici il y a une situation qui ne regarde pas seulement Ernest, une situation qui n'est pas née avec lui. Ensuite, on s'interroge sur cette situation: " Que se passe-t-il ? Qui gêne-t-elle ? Comment gêne-t-elle ? " Donc, notre thérapie n'est pas centrée sur : " savoir pourquoi le patient se gratte l'oreille à table ". Elle s'interroge plutôt : " Par quoisuis-je mû ? Par quoi suis-je déterminé ? " Notre thérapie ne veut ni maîtriser ni changer ça. Nous voulons nous pencher un peu sur cet être marionnette qui est nôtre. Il s'agit de chercher comment composer avec lui et si possible, composer avec lui du côté de la vie.

GK : Ce n'est pas qu'il y ait des choses cachées qu'on ne devrait pas voir ?

MB : Non, il n'y a rien de caché. Cela reste caché si nous adhérons à la vision panoptique que l'être humain est son moi.

GK : Pour finir, cette fois-ci, éloignons-nous de la pratique psychanalytique pour aborder le travail social. Tu as beaucoup travaillé avec des travailleurs sociaux...

MB : Oui, et je continue à le faire...

GK : Dans la pratique du travail social, quelle est l'éthique que tu proposes par rapport à la question de la transparence ?

MB : L'éthique du travail social, celle dans laquelle je travaille, dans laquelle j'invite à travailler les gens que je forme, c'est l'éthique de ne pas prendre les gens au mot. C'est-à-dire que quand un alcoolique dit : " je ne veux plus boire ", quand un voleur dit : " je ne veux plus voler ", il ne faut pas les prendre au mot. Il s'agit en d'autres mots de ne pas considérer les gens comme des individus du libre arbitre. Il convient plutôt d'avoir une sorte de prise en charge sociale situationnelle qui inclut aussi le travailleur social. C'est-à-dire affirmer, que même assis à des places différentes, nous sommes embarqués dans la même situation. Je conseille de penser dans des termes qui dépassent toute individualisation, toute intersubjectivisation. Il s'agit de penser ce qui se présente à nous dans des termes situationnels. Ainsi, quand je dis : " il y a Ernest qui est violent dans tel quartier, etc... ", ce n'est pas le problème d'Ernest, ni de la petite maman d'Ernest. Dans la situation, il y a Ernest, il y a l'autre qui n'est pas violent, il y a l'autre qui est violent, il y a l'autre qui a peur, il y a le quartier, il y a l'urbanisme de ce quartier et il y a aussi moi en tant que travailleur social. Donc, on assume la violence d'Ernest situationnellement en n'individualisant pas le problème chez Ernest. Tout d'abord, si nous ne sommes pas capables de penser en terme de situation, nous sommes d'abord dans un échec professionnel inévitable. Et, deuxièmement, nous nous trouvons dans une position non éthique parce qu'on fait porter une responsabilité à des gens dont le poids les rend fous. Au contraire, j'invite les travailleurs sociaux à s'adresser à lui en tant qu'Ernest, mais un Ernest qui est dans un carrefour de surdéterminations. Or, il ne peut pas se rendre compte, lui, en tant qu'individu de ce qui le traverse. Je me situe tout à fait dans une éthique de la responsabilité, sauf que la responsabilité n'est pas une individuation abusive. Je ne pratique pas seulement cette redistribution de la problématique avec mes patients psychotiques. Ainsi, je refuse de dire : " il y a Jean-Pierre qui a un problème, une pathologie ". Non, je me demande : " Comment peut-on voir la donnée situationnelle ? ". Il s'agit bien de redistribuer la chose. La psychiatrie alternative le fait depuis longtemps. Cependant, elle a aujourd'hui mauvaise presse ou... elle est plutôt oubliée. En outre, vu sous l'angle de la situation, notre problème ne consiste pas à introduire le malade dans la société. Nous faisons un travail à double sens : faire que notre société s'intègre à la maladie. Par exemple, lorsqu'on installe un " barjot " dans un appartement thérapeutique, la pauvre personne, en plus de sa maladie, en plus de la peur, doit s'intégrer à son quartier. Eh bien! Nous, nous disons que c'est très bien les appartements thérapeutiques. Mais, il faut aussi que le quartier s'intègre au fait qu'il abrite des personnes ayant des problèmes psychologiques. Il s'agit bien donc de créer une intégration situationnelle dans laquelle il n'y a pas seulement le malade ou le déviant qui doit s'intégrer, mais où l'intégration est à double sens. Bon! On s'éloigne un peu du sujet de cet entretien ... mais c'est tout à fait valable aussi par rapport aux minorités qui arrivent et qui vivent sur un territoire.


Propos recueillis par

Guillermo KOZLOWSKI - CESEP


lundi 2 mai 2011

Présentation du projet "Sexe, Amour et Vidéo"

Depuis 2005, la Fédération Laïque de Centres de planning familial, le Groupe Santé Josaphat et le Centre Vidéo de Bruxelles (CVB-VIDEP) ont entamé une réflexion sur l'utilisation d'outils audiovisuels en animation à la vie affective et sexuelle. En 2008, le Centre Socialiste d'Education Permanente (CESEP) s'est également associé à la démarche.

Des journées de présentation de réalisations audiovisuelles ont été proposées à un public de professionnels amenés à rencontrer des groupes pour parler de relation amoureuse et de sexualité : centres de planning familial, centres psycho-médico-sociaux, centres de promotion de la santé à l'école, services d'aide en milieu ouvert, associations d'éducation permanente, écoles, etc.
Un des objectifs visait à établir des ponts entre des secteurs qui ne se connaissent pas forcément mais qui pourtant sont amenés à traiter d'éducation à la vie affective et sexuelle avec des groupes, essentiellement de jeunes, dans des cadres différents.

Dès le départ, nous avons également voulu allier la présentation de films avec une réflexion sur leur fabrication et leur utilisation : quelle valeur ajoutée peut apporter la création audiovisuelle dans la mobilisation d'un groupe et quelle peut être l'utilisation ultérieure de la réalisation qui en découle?
Cette réflexion plus globale sur le processus créatif et sur l'utilisation de la création vidéo en animation et en formation, nous a amené en 2009, à inscrire dans notre journée, l'intervention d'une personne-ressource, Jacques Duez - enseignant et réalisateur, notamment de nombreux entretiens avec ses élèves, filmés dans le cadre du cours de morale -, et le travail en ateliers autour des thématiques suivantes :
pourquoi, comment, avec quel public, utiliser des réalisations audiovisuelles dans les animations à la vie affective et sexuelle?
pourquoi, comment, avec quel public, mettre en place un atelier audiovisuel?
quels croisements possibles entre la réalisation audiovisuelle et d'autres pratiques culturelles et artistiques telles que le drama et le théâtre-forum?
Aujourd'hui, un film retrace les moments forts de cette journée d'octobre 2009, avec le témoignage de Jacques Duez, des extraits de films et des moments du travail en ateliers.



SEXE AMOUR & VIDEO par CVB-VIDEP


Vos réactions et commentaires nous intéressent. Ils viendront alimenter le travail de rédaction du livret d'accompagnement que nous avons essayer de structurer autour des questions suivantes :
Pourquoi utiliser l'image? Pour faire quoi en éducation à la vie affective et sexuelle?
Pourquoi utiliser un « film-outil » ou faire un film d'atelier?
Comment, sous quelles conditions l'image audiovisuelle est-elle un atout ou ne l'est pas?
N'hésitez pas à nous faire part de votre expérience et à nous interpeller sur notre démarche.
Merci de votre collaboration!





IIème JOURNÉE DE RÉFLEXION : SEXE, AMOUR & VIDEO

Le jeudi 13 octobre 2011
De 9h à 16h30
À la Maison des Cultures et des Associations

Au programme :

- Présentation du film et du livret d'accompagnement Sexe, Amour & Vidéo
- Intervention sur les liens entre l'image et l'éducation sexuelle
- Projection de films
- Travail en ateliers

Renseignements et inscriptions : FLCPF/CEDIF – 02/502 68 00 - cedif@planningfamilial.net