jeudi 14 avril 2011

IL M'ARRIVE QUELQUE CHOSE...

«Il m’arrive quelque chose…» est un outil pédagogique réalisé à l’initiative de la Fédération Laïque de Centres de Planning Familial (FLCPF), du Centre de Planning Familial «Groupe Santé Josaphat» et de l’asbl Vidéo Education Permanente (VIDEP). L’outil, composé d’un livre et d’un DVD, décrit la mise en place d’un projet pilote de prévention en matière de santé affective et sexuelle, ainsi que la création d’une cellule de prévention au sein d’une classe de jeunes filles du Centre Scolaire des Dames de Marie à Saint-Josse (Bruxelles). Avec comme but d’inspirer et d’accompagner des initiatives du même genre.
Depuis une quinzaine d’années, le Centre Scolaire des Dames de Marie à Saint-Josse interpelle le Groupe Santé Josaphat au sujet de la situation problématique de jeunes filles fréquentant l’établissement scolaire: difficultés scolaires, états dépressifs pouvant aller jusqu’à des tentatives de suicide. En 1999, dans le cadre du programme de promotion de la santé à l’école initié par la FLCPF, le Groupe Santé Josaphat lui a proposé de participer à un projet pilote de prévention en matière de vie affective et sexuelle. De là est née la cellule vie affective et sexuelle (cellule VAS) au sein des Dames de Marie. Un long travail d’élaboration s’est mis en place avec l’école, le Groupe Santé Josaphat et le Centre Psycho-Médico-Social libre de Chapelle-aux-Champs.


EXTRAIT n°1 :


IL M'ARRIVE QUELQUE CHOSE # Présentation du projet par CVB-VIDEP



HISTORIQUE DU PROJET PILOTE :

«Ce travail de prévention doit être placé dans la réflexion très vaste amenée, en 1996, suite à l’affaire Dutroux, raconte Claire Oger, psychologue auprès du Groupe Santé Josaphat. Celle-ci avait secoué la société belge et fortement interpellé les personnes chargées d’accomplir un travail de prévention avec les enfants et avec les adolescents en particulier, puisqu’ils sont en plein devenir à cette période de leur vie.» Ce projet pilote est également né d’un constat préoccupant: «Une étude réalisée en Communauté française montrait que les adolescents avaient un besoin important d’informations sur la vie affective et sexuelle, se souvient Catherine Vanesse, responsable du secteur Formations de la FLCPF. Mais cette étude témoignait aussi d’une inégalité des élèves dans ce domaine, les moins privilégiés étant les jeunes vivant dans la région de Bruxelles-Capitale et du Hainaut, d’origine subsaharienne, ainsi que les jeunes fréquentant l’enseignement professionnel et technique de qualification. La volonté de développer des projets de prévention est née de ces constats. Nous avons donc introduit un dossier de subvention auprès de la Communauté française qui a validé les cellules comme étant un des moyens les plus efficaces pour pérenniser des résultats de longue durée en promotion de la santé sexuelle.»
C’est ainsi que depuis 1998, la FLCPF mène un programme de promotion de la santé affective et sexuelle en milieu scolaire. Ce programme a pour objectif global d’accompagner des enseignants et des acteurs de l’éducation affective et sexuelle à l’école (agents CPMS, équipes PSE, animateurs des Centres de Planning Familial) dans la création de cellules VAS au sein d’établissements scolaires. Les cellules, conçues pour fonctionner de manière durable et autonome, sont un espace de parole et de concertation entre tous les partenaires concernés par la vie affective et sexuelle à l’école. «En 1999, la FLCPF a proposé au Groupe Santé Josaphat de mettre sur pied un projet pilote de prévention qui avait pour objet de construire un dispositif préventif aussi affiné, articulé et sensible que possible destiné aux élèves qui en seraient les bénéficiaires», explique Claire Oger.


HYPOTHÈSES DE DÉPART :

Pour mener à bien son travail de prévention, la cellule VAS s’est basée sur cinq hypothèses:
- le travail en partenariat permet la cohérence du discours préventif;
- un travail de prévention n’a de sens que s’il peut s’inscrire dans la durée et la continuité;
- les intervenants doivent se connaître et connaître les institutions partenaires, afin de favoriser l’établissement d’un lien et d’une culture commune;
- les intervenants doivent connaître suffisamment les élèves à qui ils s’adressent;
- le travail se développe selon une approche de bientraitance, faite de respect, de cohérence, de continuité et de soutien.


EXTRAIT n°2 :


IL M'ARRIVE QUELQUE CHOSE # Bande-Annonce par CVB-VIDEP


LES PARTENAIRES DU PROJET :

La cellule VAS qui a développé le projet pilote de prévention se compose de trois partenaires: le Centre Scolaire des Dames de Marie (école secondaire, section professionnelle), le Groupe Santé Josaphat et le Centre PMS Chapelle-aux-Champs. Chaque institution présente au sein de la cellule a des compétences et des missions spécifiques.
L’école s’occupe de la transmission de savoirs en ce qui concerne notamment les notions anatomiques et de la reproduction humaine. Elle est représentée dans la cellule par la préfète de discipline et le professeur de français et religion. Déjà avant le début du projet pilote de prévention, l’école des Dames de Marie adressait à l’équipe du Groupe Santé Josaphat des demandes d’animations autour des questions de vie affective et sexuelle.
Ces demandes, outre les questions courantes relatives au développement affectif, amoureux et sexuel des adolescentes, faisaient état de certaines inquiétudes à propos du devenir de ces jeunes filles, élèves des sections professionnelles. De manière récurrente, une part non négligeable de ces élèves semblaient déprimées, non motivées et montraient des difficultés à se projeter dans l’avenir scolaire ou professionnel. Leurs projets de vie semblaient compromis par ceux de la famille, en particulier par un mariage arrangé ou forcé, ou par la faible reconnaissance de leur formation dans le milieu familial.
L’équipe du Groupe Santé Josaphat connaissait donc déjà les particularités et les fragilités de ces jeunes filles susceptibles de bénéficier d’un travail de prévention affiné dans le cadre du programme de prévention de la cellule VAS.
Dans le but de développer un processus préventif, la cellule a choisi de travailler avec des jeunes filles de 3ème professionnelle (section coupe-couture). En effet, la section professionnelle commençant en 3ème année, le travail de la cellule avec les élèves débute dès l’entrée de celles-ci dans l’école. De cette manière, la cellule poursuit son travail sur une période de trois ans, dans un souci de continuité. Les élèves sont âgées en moyenne de 17 ans et sont originaires de Turquie, du Maroc, d’Europe de l’Est et d’Afrique sub-saharienne. En ce qui concerne la sexualité, ces jeunes filles connaissent peu ou mal le fonctionnement du corps, le système reproductif, les règles. Elles associent la perte de la virginité à la douleur, à des pertes de sang et au déshonneur familial. Elles connaissent mal les moyens contraceptifs, sur lesquels elles ont par ailleurs des idées fausses.
Le Centre PMS de Schaerbeek, représenté au sein de la cellule par une psychologue et une infirmière, a une mission de prévention en ce qui concerne la scolarité, l’éducation et la santé, et accompagne l’élève dans sa demande. Le Centre PMS est également chargé de l’installation d’une bonne dynamique de groupe pour permettre la circulation de la parole, établir des règles acceptées par les élèves sous forme d’une charte, écouter les questions des adolescentes et poser un cadre pour l’intervention suivante.
Le Groupe Santé Josaphat, Centre de planning familial, est représenté dans la cellule par deux psychologues. Il intervient en dernier lieu dans le travail de la cellule auprès des jeunes filles et aborde avec celles-ci les questions affectives, amoureuses, sexuelles dans la relation à l’autre. Ces aspects de la vie affective et sexuelle passent par une information ou des développements au sujet de la contraception, des freins à celle-ci, de la virginité et de la première relation sexuelle, de l’entrée dans la vie amoureuse, de la constitution d’un couple, du mariage, de l’amour, des aspects culturels. Le Groupe Santé Josaphat prête également une attention particulière à la constitution de l’intime, depuis la prise de connaissance au niveau du corps jusqu’au développement de l’espace psychique individuel.
Enfin, la cellule comprend encore un accompagnateur de projet dont la mission est d’aider la cellule à fonctionner de manière autonome et à trouver des pistes de travail pour améliorer la prévention et l’information. La cellule implantée au sein de l’école des Dames de Marie a pour accompagnateur Aboudé Adhami, un psychothérapeute ayant une expérience de travail au Centre de planning familial. Il est aussi expert en matière de culture arabo-musulmane.


EXTRAIT n°3 :


IL M'ARRIVE QUELQUE CHOSE # La rupture par CVB-VIDEP



DÉROULEMENT DU PROCESSUS :

La cellule de prévention a suivi le groupe d’élèves depuis leur entrée en 3ème année jusqu’à leur sortie en 7ème. Le groupe de travail de la cellule s’est réuni deux heures par mois pendant trois ans, soit la période durant laquelle la FLCPF propose d’accompagner la cellule dans son processus. Les premières réunions ont eu lieu à l’automne 1999. Le processus s’est déroulé en trois années ou trois temps. Premièrement, un temps pour voir, au cours duquel une connaissance et une reconnaissance mutuelle se sont installées, la cellule et une culture commune ont été constituées. La cellule a également récolté et rassemblé les connaissances, ainsi que les questions de chaque participant, et a formulé des hypothèses de travail. La deuxième année du processus a consisté en un temps pour comprendre: le groupe classe s’est constitué, les élèves ont découvert le centre PMS, ont reçu des cours d’anatomie et visité le Groupe Santé Josaphat. Pendant cette année, les différents partenaires de la cellule sont donc intervenus auprès des élèves et la cellule a poursuivi sa réflexion et son élaboration théorique. Enfin, la 3ème année était un temps pour conclure : durant cette année, le travail entamé s’est poursuivi avec les élèves de l’année précédente, mais aussi avec les nouvelles élèves de troisième professionnelle. Les intervenants ont continué leur travail en synergie et formalisé leur cadre de travail.


DES EFFETS POSITIFS :

En juin 2007, la cellule du Centre Scolaire des Dames de Marie est devenue autonome, après sept années d’existence. Les professeurs de la cellule ont constaté une évolution en termes de compréhension, de maturité et de respect des élèves depuis l’existence de la cellule. Michelle Keyart, psychologue et psychanalyste, a été chargée de superviser la cellule. Accompagnatrice de cellules VAS et formatrice en matière d’animation à la vie affective et sexuelle pour la FLCPF, elle met en avant les effets positifs du travail de prévention des cellules VAS: «Pour l’instant, les écoles qui nous appellent sont celles qui connaissent de gros problèmes, par exemple, des épidémies de grossesses, de mariages forcés, des violences sexuelles au sein de l’école… Après avoir implanté le projet pendant deux à trois ans et lorsque la cellule a bien fait son travail, nous constatons une amélioration: les grossesses non désirées sont moins nombreuses, il y a moins de violences sexuelles entre les élèves, moins de masturbation dans les classes, les élèves se présentent plus spontanément chez le médecin ou au Centre PMS. Ce type de cellule remplit donc clairement un travail de prévention.»


L’OUTIL PÉDAGOGIQUE :

Le projet pilote mené à l’école des Dames de Marie a donné lieu à la réalisation d’un outil pédagogique destiné à tous les intervenants qui souhaitent implanter une cellule VAS dans les écoles. «Après sept années de travail avec l’école des Dames de Marie, nous avons souhaité faire un bilan de notre parcours et réaliser un outil visant à transmettre notre expérience, nos constatations et nos réflexions, puisque pendant toutes ces années, nous avons travaillé sur des notions importantes, explique Fanny Koykis, psychologue au Groupe Santé Josaphat. La FLCPF nous a soutenues dans notre désir d’écrire l’outil. Nous avions également envie de donner un témoignage vivant de ce que nous avions vécu. Cela a été possible grâce à Christian Van Cutsem, réalisateur au VIDEP, et à son équipe qui nous ont accompagnés pendant quelques mois.
L’outil «Il m’arrive quelque chose» se compose d’un guide pédagogique, réalisé par Fanny Koykis, Claire Oger et Catherine Vanesse, ainsi que d’un DVD relatant la mise en place de la cellule VAS. Le guide pédagogique comporte trois parties: la première partie est consacrée à la présentation de la mise sur pied de la cellule au sein d’une classe de jeunes filles du Centre des Dames de Marie, section professionnelle. La deuxième partie reprend et approfondit une série de notions théoriques liées à la vie sexuelle et affective, plus particulièrement à la prévention VAS avec des jeunes filles issues de l’immigration. La troisième partie présente quelques outils d’animations.
Ce guide pédagogique a été conçu pour tous les professionnels de la santé (acteurs de prévention, travailleurs sociaux, animateurs, psychologues…) et pour les équipes pédagogiques (directions d’écoles, enseignants, éducateurs…). Quiconque souhaite mettre en place un projet de prévention et/ou initier ce type de démarche pourra y trouver un cadre de référence et de questionnement.
«L’outil sera diffusé dans les 42 centres de planning familial en Communauté française, précise Catherine Vanesse. Ensuite, nous le diffuserons prioritairement dans les écoles à discrimination positive de la région de Bruxelles et du Hainaut. Il sera enfin diffusé plus largement dans toute la Communauté française.»

Colette Barbier


POUR EN SAVOIR PLUS :
Fédération Laïque de Centres de Planning Familial (FLCPF), rue de la Tulipe 34, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 502 82 03.
Courriel: flcpf@planningfamilial.net. Site: http://www.planningfamilial.net
Groupe Santé Josaphat, rue Royale-Sainte-Marie 70, 1030 Bruxelles.
Tél.: 02 241 76 71. Courriel: centre@planningjosaphat.org

1 commentaire:

  1. Le DVD de "APPARENCE TROMPEUSE" est disponible en vente sur : http://www.cvb-videp.be/cvb/fr/catalogue/film/id/42

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